Donner c'est donner

Il est tard.
Samedi soir parisien, je dois faire de la peine aux personnes qui me regardent manger seule dans ce restaurant du dix-huitième.
S'ils savaient.
Je me repasse la semaine.
L' été fait grève et pourtant la cigale chante.
On m'entend chanter dans un épisode d'une série américaine connue. Bidon, mais connue, normal.
On m'entend chanter mercredi soir, chez Sébastien, rue du faubourg saint honoré.
On m'entend chanter jeudi soir, dans le resto des deux jumelles.
On m'entend chanter vendredi soir, chez David.

Et là, le bilan de la tranchette.
Rencontrer un sage.
Ikkyû Sôjun.
Il est apparu comme ça, à ma demande.
Le vrai sage n'a cure de la bonne ou mauvaise opinion qu'on peut avoir de lui, il se contente d'être ce qu'il est.
C'est ça la clé, se contenter d'être ce que l'on est. Mais je n'étais pas aveugle, l'Histoire ne s'est pas répétée, au contraire, Elle s'est foutu de ma gueule.

La part femme est celle que je nie le plus. La part animale est la plus proche, celle qui parle le plus fort, celle qu'on voit, même si l'on est convaincu du contraire. Mais la part femme est sociable et dotée d' empathie, alors j'ai feint. À la niche le fauve, y'à pas d'honneur à défendre, rien à défendre du tout d'ailleurs et le bout de gras est soûl. Le sage boit parfois. Souvent. Il dépend.

Quand la fin d'une tranche arrive, le fauve le sent, le renifle, l'anticipe.
Quand la fin d'une tranche arrive, la femme se protège et laisse le fauve en liberté.
Alors cette liberté est enivrante, plus puissante qu'une liqueur de figue. Attention à ne pas en abuser. Et j'en abuse. Comme cette semaine.
Le fauve se blesse parfois, au travers de la jungle, mais la femme le soigne.
Deux entités qui veillent l'une sur l'autre, au service de Fenghuang.

Optimiste? Voyons, n'avez vous rien compris au présent?
L'optimisme est l'apanage de ceux qui envisagent le futur.

Au final, la cigale chante.
La femme et le fauve veillent.
Fenghuang règne.

"t'as pas cinq minutes que je te prenne?

- ben faut voir...
Me prendre quoi exactement? Qu'as tu envie de dérober? Ce que j'ai je l'offre de bon coeur, quand ça me prend. Il y a la personne qui offre et celle qui reçoit le cadeau, le présent. J'offre le mien, parfois, et je le vis pleinement. Y arrives tu toi?"











Le prononcer ?

"Le prisonnier n'est pas celui qui a commis un crime, mais celui qui se cramponne à son crime et ne cesse de le revivre. Il n'est pas un de nous qui ne soit coupable d'un crime : celui, énorme, de ne pas vivre pleinement la vie."
"La seule chose à laquelle nous ayons vraiment droit, c'est le présent; mais rares sont ceux d'entre nous qui le vivent jamais."

Et toi, ma mère, es tu libre?
Et moi, ma mère, le suis-je?

Mes souvenirs s’effilochent. J'ai du mal à me remémorer un moment gai, frais, avec toi. Je tente, je tente, vainement.
Peut être.
Quand tes parents vivaient et qu'ils suffisaient à ton bonheur. Les vidéos super 8 de Papa, alors je vois les couleurs, le mouvement, les sourires pour la caméra.
Et moi, ma mère, je suis tellement loin.
Tu m'as dit un jour, mon regard te laisse perplexe, un regard lourd, profond, pénétrant, un regard mûr, et oui il l'était. Les yeux sont le reflet de l'âme, contemple alors ma mère, observe les miens et dis moi ce que tu vois. As tu jamais rien vu, as tu jamais essayé, as tu jamais voulu.
Et toi, tout ce que ta bouche peut, sont les mots météo, les mots cuisine, les mots télé, les mots vides quoi.
On me dit ci, on me dit ça, et je ne vois rien d'autre que la vérité. Tu es une enfant, et je ne suis pas ta mère. Assez. Stop.
D'ailleurs je ne serai peut être jamais.
Je suis moi, cette ni femme ni fauve, ce fenghuang bibiesque.
Dois je te remercier, me remercier, mais non, ma mère, je ne dois rien. J'adapte. J'évolue. Je vole. Je vis.

La prison?
Je suis déjà fugitive. Récidiviste s' il faut.
Je défends la seule chose à laquelle j'ai droit.




Je sais tu sais

18.

On écrit avec recul. À chaud. À froid. On écrit sobre et on oublie si vite les samedis imbibés, à raconter de la merde. C'est ça, dire de la merde et enrober tout ça pour des écrits bien plus précieux. Ça va, un peu de légèreté, y a pas de mal à me faire du bien. Le bien d'elles? d'eux? Pas mon problème.
S'inventer une réalité, chaque jour, presque mouton, paître et re-paître, physiquement, virtuellement.
Ta verve, ta plume rien n'y peut.

Alors?
Et je pense à elles.
Et je pense à moi.
Et je pense à eux. Pas si loin.
Si facile les mots, mieux qu'une pilule bleue ou rouge. L'écrit, comme un orgasme, un bon, un de ceux qui vous laissent être. L'oral te maintient, et une chatte est une chatte, alors quoi? Je dois quoi? à qui?
On écrit des mots, on idéalise une vie, auteur de nouvelles répétitives. Comme la musique. Mais toi tu ne composes que des notes, des bouts de papiers reliés les uns aux autres. Trop compliqué l'opéra, n'est pas Glass qui veut.

Alors.
Rien.
Du vide.
Des images pour tenir en vie. L'envie. Comme il se doit, des images qui traversent, se perdent et meurent. Combler les heures, le vide, le manque, combler sinon perdre pied.
La parole ne vaut rien après tout. Libre interprétation voilà ta pirouette. Bavardage qui colle à toute situation. Situation.
Tu répètes, ne corriges rien, essaie de corriger, et bien soit.

Overdose de cul. J'ai connu ça. Merci.

On écrit.
"Attention, aux mots choisis, elle peut lire et elle et les autres, toutes les autres, maintenant, ou plus tard.
Mais les mots ne trompent que ton ennui.
Alors continue, continue puisque le champ est immense et l'herbe bien grasse, bien verte, toute ces inconnues à brouter, toutes ces brebis dont tu te nourris.
L'envie de fuir, et d'emporter avec soi. Se délecter de tout. Passer au travers les gouttes.
Les gouttes.
Vite, vite, dépêche toi, vite, avant que la tempête te souille, mais le déluge ne me fait pas peur, bien au contraire."

Alors.
Toujours se protéger.
Et les sites, et les regards, et les étreintes, toute cette chair, ces départs, ces retours, tous les abris, les lits, tout ce qui peut sauver l'instant, les mots, les tiens, les leurs, prends. Ta vie. Ton choix. Plutôt leurs choix. C'est mieux pour toi. Tu le sens. Il faut toujours faire comme tu sens.
La part féline ne se fera jamais manger par un mouton, la part femme le sait.

Alors.
J'ai suivi, adapté, sué, sous ton regard, tes mains.
Communiqué sans filet, sans rien, mais rien.
Le côn fût satisfait.
Le con fut satisfait.
Pour le reflet, merci, je me connais bien. Je voulais une version originale.

Alors je brise le miroir que tu me tends.
Je fais attention à ne pas me couper.
La vie ne reprend pas, elle ne s'est jamais arrêtée.

Et moi, et toi, et nous, savons.






Merci mille fois, moins une

17.

Opéra,
Bonn
et je le suis.
Je le fuis aussi.
Cours, cours, ne t'arrête pas, c'est un détail, une expérience, un instant.
Mes lèvres goût crème glacée, mes lèvres goût de sa bouche.
Et encore le soleil, sur mon cou cette fois.
L'opéra, éventreur, boucher, et mes tripes, là, posées devant toi.
C'est confus.
Confusion mutique.
J'ai fermé les yeux une seconde, c'était bon.
Coeur rongé, partagé, questionné, non, personne n'aura les miettes, je les garde précieusement, fenghuang est moi.
J'entends les ailes, accompagnées d'un écho.
Böing, böing, écho de la balle.
Bref, jouet, oiseau, la vie quoi. Inépuisable vie.


Et là.
La Chaleur.
Odeur de bois chaud et il est chaud.
La brûlure comme une morsure
pas d habillage, c'est même tout le contraire.
Je ruisselle, totalement, de tous les pores de ma peau, je ne peux être plus vidée de moi,
Ah si seulement!
boire? remplir?
Mais boire n'y fait rien, et je suis attentive à tout ce que je peux imprégner. La portion féline. Elle est là, impatiente, mais...
je préfère dormir, là sur ce siège d'aéroport. alors j y pense, attente d'un vol retardé oblige..
Embrassée, cette bouche, caressé, ce dos, fermée, cette porte, mais doucement, gentiment, avec précaution.
Vivre libre c'est aussi prendre le temps, entendre sa peine, faire face et vaincre.
Ce n'est pas parce qu' il est autrement que j'ai envie de faire partie de ce troupeau, aussi attrayant soit il.
Elles pourront bêler tant qu'elles veulent, je ne les mangerai pas non plus. Je laisse ça au berger.
Alors oui, je me liquéfie dans la foule,  je gère le thermostat puis m'évapore.
Le but? pas de but. En marge, au bord. Juste là, au bord.

Et mon retour
papiers, l'opéra a eu le don de les faire voler,
textos, textes, messages, mails, la vie quoi, et je la prends.
Alors je vais laver la sueur, l' odeur, l'esprit songeur.
Et encore cette brûlure
Vas y, délecte toi de moi comme je me délecte de toi
et l'eau parcourt mon corps, et le parcours naît sur ma nuque. Je me laisse tenter.

Je pense à ce passé, présent cet après midi même.
Les seins libres, le soleil chauffant, enfin, sur l'autoroute qui me ramène vers la grande cité, le bruit du moteur, des accélérations, cet air qui fouette ma bouche parfois, caressant les épaules, le buste entier
et moi, toujours, veillant, vaillante, le sourire proche.








Mutation

12.

Du son dans mes oreilles.
Un brouhaha commun.
Un rien triste, un brin légère, l'esprit secoué revient à un rythme plus serein.
C'était la dernière.

Salle d'attente. Marrant l'appellation. Salle d'attente, 4 chaises en bois d'un autre temps. J'attends alors, même si la patience n'est pas ma qualité première, je sais faire, j'ai observé les gens.

Hier était bon, mais c'était hier. Aujourd'hui est aujourd'hui mais sera hier demain.
Fureur de vivre. Rugissement du fauve.
Je souffle un peu.

Le coït matinal m'a enchanté, et j'ai chanté.
La peau, de son sexe, douce, chaude, espérant s'engouffrer davantage. Je fais glisser ma langue. Je savoure l'instant et me subsiste de ce moment son goût, sa texture. Ses dents se serrent. Le désir visuel. Ses mains cherchent mon sexe, le trouvent. Il est humide. Oui.
Ma langue se fait plus vorace. Mon clitoris durcit sous ses phalanges. Un besoin. Besoin d'urgence.
Sentir sa queue en moi.
Il l'habille, je suis en chienne de fusil sur le canapé, j'attends. L attente me fait tendre tout ce qui peut être tendu en moi.
Son gland explore, au bord de moi.
Pénètre l entrée de mon corps. L'esprit n'est pas loin.
Je le regarde, il se place, accroupi. Je sens sa verge dure donner des coups pour me pénétrer au plus profond. Mon corps est envahi par lui. Envahisseur, envahissement. La frontière est mince. Cette position, cette jouissance qui s'amuse, se joue de moi.
Mes seins pointent aussi. Résultat d'un va et vient obsédant, martelant mon être.
Je m'abandonne.

La dernière est présente à l'esprit et la première viendra bientôt, délicieuse.


Si je veux



Baiser avec un type dont on sait qu au mieux il sera un ami.
Prendre un café en terrasse juste pour en respirer l arōme.
Vivre seule pour ne pas avoir mal.
Mais vivre.
Modifier les modalités, les règles, dépasser sa pensee, ses limites, sa foi.
S inscrire au tableau du moment.
Feindre la joie, la sérénité, ne pas se perdre, ne pas perdre.
S'envoyer en l air, redescendre, atterrir, se laisser toucher le corps et non le coeur. Si par mégarde le coeur est touché, lécher sa plaie, cicatriser à la sueur de sa détermination. Le mental est fort. La berceuse n'agit pas, le conscient intact, l'inconscient suit.  Garder le cap. Un mardi au soleil, qui dit mieux, qui fait mieux, se fendre d'un sourire coûte que coûte. 
Athlète au niveau d'une vie. 
Entrainement intensif, je ne lache rien. Une pause? La mort sera ma pause et l'essouflement ne pointe pas le bout de son nez. Au hasard des jours, des matins, et quels matins, un museau s'aventure. Partie sensible quand on tape dessus. Je porte un coup, fort, puissant. Dégage l'énergie, déploie la force, le concentré vital. La survie est innée, les choix sont variés, varient, au gré des envies. La tête haute survoler, ne pas prendre, prendre, s'inspirer, respirer, oui mais alors un grand coup.
Le savoir, la liberté. 
Le voir, l'assimiler, apprendre, s'apprendre, s'élever encore et encore, démonter les acquis, se faire surprendre,  agir. Réagir.
La réaction surprend aussi. 
Le coeur, la raison, dans un baluchon porté sur l'épaule. 
Se taire ? Ecrire...